by Jacky Duruisseau
Voyage en Equateur du 8 au 30 mars 2012
Après quelques voyages en Afrique et Madagascar, première rencontre avec l’Amérique du Sud. Pourquoi l’Equateur ? Colette voulait voir la cordillère des Andes…Comme la plupart des Bégonias équatoriens poussent dans les zones montagneuses, c’était une bonne idée ! En route donc pour l’Equateur.
Voyage confortable (comparé à ce que nous avions pratiqué au Gabon en 2010 par exemple) : 4×4 avec chauffeur-guide-interprète (du 3 en 1 ! ) à notre disposition et toutes les nuitées réservées, ce qui représentait un gain de temps non négligeable.
La documentation que j’avais réussi à trouver annonçait une cinquantaine d’espèces dans ce pays. Malheureusement, seuls les noms des provinces (en gros, l’équivalent de nos départements ! ) étaient indiqués ! Nous avons donc improvisé, non pas le programme du voyage que nous avions établi avant le départ en accord avec le responsable du Tour, mais dans la recherche des bégonias : nous demandions à David (puis à Sebastian qui lui succéda après une semaine) de nous arrêter chaque fois qu’un site nous semblait favorable … et chaque fois que nous apercevions une orchidée fleurie ! Il pousse en Equateur quelques 4000 orchidées et fort heureusement, elles ne fleurissent pas toutes en même temps…Nombreux arrêts cependant… sauf sur la route panaméricaine où aucun refuge n’est prévu pour les chercheurs de bégonias ou d’orchidées…
En Equateur, il y a deux cordillères, l’orientale côté Amazonie, et l’occidentale, côté Océan Pacifique. Elles sont séparées par un plateau situé à une altitude d’environ 2000 m (Quito s’y trouve à plus de 2500 m) et appelé « l’Allée des Volcans » : effectivement, sur les deux cordillères se situent de nombreux volcans, les plus célèbres étant le Cotopaxi, le Cayambe, l’Imbabura, le Chimborazo (point culminant de l’Equateur à 6310 m), certains enneigés, d’autres encore actifs comme le Tungurahua. Ces deux cordillères stoppent l’humidité venant du bassin amazonien à l’est et du Pacifique à l’ouest. L’hygrométrie est donc élevée à la base de ces deux chaînes de montagnes. Malheureusement, elle l’était également en altitude car cette année, en mars, il pleuvait encore beaucoup et nous avons même eu de la neige au pied du Chimborazo, à 4800 m ! Difficile de voir les sommets dans ces conditions !
Ces montagnes sont couvertes de forêts jusqu’à environ 2500 m. Comme partout, la déforestation y a sévi mais la création de nombreux parcs nationaux et réserves a permis de la limiter.
Premières recherches de bégonias deux jours après notre arrivée, au nord de Quito, dans la région de Lita : un torrent et une cascade en forêt, à environ 1300 m, dans la cordillère occidentale et le premier bégonia : B. parviflora, le géant du genre (photo 1) : il atteint parfois 3,50 m de haut et nous allons le rencontrer pratiquement tout le long de notre parcours en Equateur. Près de la cascade, sur les rives en pente du torrent, une petite plante que je prends pour une autre espèce, avec des nervures et un ombilic rouge, très fréquente : ce n’est qu’après quelques jours que je finis par remarquer que ce petit bégonia (photo 2) est toujours en compagnie de l’immense parviflora et qu’il s’agit très certainement de jeunes plants de ce géant ! Dans ce cadre qui nous rappelle le Gabon, nous admirons une superbe Aracée (photo 3) et de magnifiques et très nombreux papillons.
Le lendemain, nous sommes toujours dans la cordillère occidentale et entrons dans la réserve de Mindo, plus au sud et sensiblement à la même altitude que la veille. B. parviflora est au rendez-vous en bordure du sentier, accompagné de B. glabra (photo 4) en épiphyte sur les troncs et de B. foliosa sur les talus (photo 5). Une incursion dans la réserve privée de la « Maison Jaune » nous permet de rencontrer un autre épiphyte sur des troncs moussus (photo 6) qui pourrait être B. maurandiae (BU 560 pour l’ABS), malheureusement non fleuri.
Les deux jours suivants nous amènent dans la cordillère orientale, du côté amazonien. Il fait chaud et il pleut ! Nous quittons Baeza vers l’est, par la route du pétrole (nous longeons le pipe-line) en direction des chutes de San Rafael. Un arrêt près du village de El Chaco, en bordure d’une rivière : B. glabra est en fleurs sur les arbres (quelques fruits secs, donc des graines !) en compagnie d’un autre bégonia épiphyte qui pourrait être B. sodiroi (photo 7) de la section Gobenia avec quelques boutons floraux seulement. La route traverse une forêt tropicale très riche mais il est difficile de s’arrêter ! Nous finissons par trouver une piste qui part sur la gauche le long d’un talus luxuriant : nous y découvrons une autre espèce, B. consobrina (photo 8). Il pleut tellement que nous renonçons à nous rendre aux chutes. Demi-tour ! David nous emmène dans le Parc National d’Antisana, toujours en bordure de l’Amazonie, où nous retrouvons l’épiphyte de la Maison Jaune et une autre espèce, B. urticae aux magnifiques fleurs rouges et au fruit inhabituel (photo 9) qui donne son nom à cette espèce. Ce parc est d’une richesse botanique extraordinaire !
Nous changeons de guide le lendemain et Sebastian remplace David. Nos deux sympathiques guides sauront désormais, ce qu’est un bégonia : ils n’en avaient jamais vu …Sebastian va même en découvrir quelques uns…Pour l’heure, point de bégonias, mais une région grise et froide à 3500 m où un feu de cheminée et un whisky nous sont, le soir, d’un grand réconfort !
Direction Baňos, ville très touristique en bordure de l’Amazonie. Nous retrouvons sur la rive droite de la rivière Pastaza les bégonias déjà rencontrés. Beaucoup d’orchidées sur les talus raides en bord de route que nous explorons en rentrant. Le lendemain, prospection sur la rive gauche de la rivière Pastaza après une traversée de la gorge en nacelle qui laissera à Colette, sujette au vertige, un souvenir impérissable…Arrêt au milieu du parcours…pour admirer la cascade Agoyan. Nous sommes ici très loin des conditions de sécurité exigées chez nous dans tout transport public…mais pas moyen d’échapper à cette « épreuve » pour accéder à l’autre versant de la rivière ! Végétation très riche en orchidées et quelques bégonias, dont B. foliosa en très grande quantité aux alentours de 1600 m, au fur et à mesure que nous perdons de l’altitude et que le paysage se couvre de forêt. Nous retraversons la rivière sur une autre nacelle surchargée et sur un parcours encore plus impressionnant !
Pas de bégonias sur les flancs du volcan Chimborazo entre 4000 et 5000 m. Il fait froid, il neige…et les nuages nous cachent le sommet enneigé ; par contre, de nombreuses plantes andines en coussins et quelques gentianes, véritables joyaux de cet endroit du bout du monde ; nous apercevons quelques maisons recouvertes de paille et des femmes gardant leurs lamas. Vers 4000 m, une école, où se rendent à pied, tous les enfants de la région…La couleur de leurs joues indique l’altitude…
Le 20 mars, retour vers des altitudes plus raisonnables. Nous retrouvons la panaméricaine et partons vers Riobamba. Sur des talus très pentus en bord de route, des fleurs rouges : B. froebelii (photo 10). est en pleine floraison. Ce tubéreux est accompagné d’un autre bégonia peut-être également tubéreux (photo 11). mais à fleurs roses avec de nombreux tépales (sans doute du groupe B. octopetala d’après Mark Tebbitt via Ludovic Kollmann au Brésil …). Nous sommes à environ 2300 m d’altitude ! Nous quittons la direction du sud pour prendre la route de Zhud annoncée (par un adhérent horticulteur, Sébastien Guillot, qui connaît bien ces régions) comme étant riche en bégonias : nous y retrouvons B. froebelii puis une autre espèce, non tubéreuse, fleurie B. piurensis : jamais je n’avais vu une telle quantité de bégonias fleuris de la même espèce au même endroit ! Incroyable ! (photo 12). Un peu plus loin, Sebastian découvre notre 15è espèce et il en est très fier : seulement deux pieds d’une grande plante à feuilles palmatilobées sans fleurs. Nous perdons de l’altitude et vers 1800 m, un autre bégonia à feuilles très grandes dont les pétioles partent d’un « tronc » sur lequel s’est installée de la mousse. Une couronne de poils entoure le pétiole sous l’ombilic. La plante me rappelle quelque chose et je finis par reconnaître B. ludwigii (photo 13).
Les deux journées suivantes seront sans bégonias : nous évoluons en effet entre 3000 et 4000 m. Flore andine magnifique dans le Parc du Cajas et nombreuses orchidées sur la route de Loja, ville importante où nous visitons le jardin botanique. Malheureusement, pas un seul bégonia dans ce parc, mais un bon aperçu de la flore locale avec de nombreuses orchidées.
Le 23 mars, nous nous dirigeons vers la ville de Zamora à l’est, en bordure du Parc de Podocarpus, en zone amazonienne. Nous découvrons une nouvelle espèce proche de B. fischeri à une altitude d’environ 1000 m. Au retour, nous prenons l’ancienne route (une piste) de Zamora vers Loja. Zone forestière où nous découvrons encore une espèce connue, B. guaduensis (photo 14) vers 1600 m, Nous terminons la journée à Vilcabamba, « ville des centenaires », dans un hôtel sympathique tenu par des Français. Il fait chaud et lourd. L’orage éclate dans la nuit, accompagné de fortes pluies. La journée du lendemain est consacrée à la visite du Parc du Podocarpus où nous allons découvrir deux bégonias très intéressants : le premier (sp. 17) , (photo 15) est en pleine floraison ; ses feuilles palmatilobées sont plus ou moins argentées et il pousse en grand nombre sur le bord du chemin, en pleine lumière ; nous rapportons quelques fruits . Nous sommes à environ 2600 m et il fait aux alentours de 20°C. Le second est sans doute une autre espèce de la section Gobenia, très proche de celui rencontré à El Chaco ; c’est aussi un épiphyte (photo 16) dont les feuilles très variables, sont parfois couvertes de points blancs ; quelques boutons floraux sur cette très belle plante mais aucun fruit ! Plus loin, toujours dans le parc, et à la même altitude, nous retrouvons B. urticae sur les bords d’un sentier et ce qui est peut-être B. maurandiae.
Nous partons le lendemain (dimanche 25 mars) pour la réserve de Tapichalaca : température fraîche à 2500 m adoucie par le vin chaud de l’accueil ! On nous dit que les températures oscillent entre 7 et 23 °C dans cette zone ; ce soir, nous sommes plus près de 7 que de 23 ! Cela ne dérange pas les colibris nombreux et multicolores qui viennent boire aux abreuvoirs installés pour eux. Excursion dans la « forêt des nuages » le lendemain matin en compagnie d’un guide. La réserve est en effet dans la brume 8 jours sur 10 !
Les orchidées y poussent en grand nombre et nous retrouvons les mêmes bégonias ; un nouveau cependant, comparable à B. urticae, les fleurs rouges et les fruits sont ressemblants mais les feuilles sont recouvertes de poils et les nervures beaucoup moins apparentes. Nous revenons le soir à notre hôtel de Vilcabamba pour partir tôt le lendemain matin vers l’Ouest du pays. A proximité d’une cascade, nous retrouvons, toujours fleuri, le bégonia de la photo 11 et, B. froebelii sur les rochers du torrent. En route pour le site des bois pétrifiés de Puyango. Nous rencontrons de nombreux éboulements sur la route ; ils représentent un réel danger quand on circule en saison des pluies dans ces régions. Avant Puyango, sur le bord de la route, sur une pente forestière très humide, un bégonia (la 19è espèce rencontrée) à feuille peltée qui fait penser à B. nelumbiifolia sans fleurs ni fruits (photo 17). Au site des bois silicifiés, que nous visitons sous une pluie battante, le numéro 20, un bégonia rhizomateux sur le talus, au bord du torrent ! (photo 18). Nous repartons assez rapidement vers Piňas, notre prochain gîte, que nous atteindrons tard le soir après une route difficile en raison des éboulements et des travaux. Coupure d’électricité à Piňas, donc pas de repas !
Le 29 mars nous amène au lodge de la réserve Buenaventura, assez proche de Piňas. Nous sommes redescendus à environ 500 m et il fait chaud. Pas de nouveaux bégonias dans cette forêt magnifique où B. parviflora et B. glabra sont toujours présents, mais une très belle station de B. consobrina vers 700 m : cette espèce (dont les feuilles font d’ailleurs plus penser à une charme qu’à un tilleul) présente des inflorescences mâles et femelles séparées, les premières se trouvant au-dessus des secondes.
Ce seront nos derniers bégonias. Une plante rencontrée dans la réserve du Cerro Blanco à l’Ouest de Guayaquil au bord du torrent fait penser, par son port, à un bégonia mais n’en est sans doute pas un ; sans fleurs, il m’est difficile de conclure.
Vingt bégonias en trois semaines ! Il restera encore de quoi chercher et découvrir à l’occasion d’un autre voyage dans ce pays magnifique, à la biodiversité extraordinaire… Un jour…