29 mai / 30 juin 2017
par Jacky Duruisseau
Photos Colette Bridon et Jacky Duruisseau
Après deux expéditions en 2003 et 2010, nous voici en route pour une 3è aventure au Gabon. Vous avez dit « aventure » ? Oui ! Vous allez lire dans ces lignes qu’il s’agit bien de cela…
Nous ne sommes que deux, Colette et moi. Nous avons choisi le mois de juin car c’est la saison sèche, la seule qui me permette de conduire un 4×4 sans trop de difficultés liées aux pluies et d’emprunter les pistes gabonaises (et encore, ce n’est pas gagné ! ).
Le Gabon est un petit pays d’Afrique équatoriale où la forêt est la plus belle de toutes celles que nous avons visitées en Afrique (photo 1), Madagascar et Amérique du sud. Cette région est extrêmement riche en plantes du genre Begonia et plus particulèrement, celles à fleurs jaunes … des sections Loasibegonia et Scutobegonia…
Marc Sosef, spécialiste hollandais des bégonias africains, explique dans sa thèse « Refuge Begonias », que les montagnes de la zone équatoriale de l’Afrique (entre autres, au Gabon, les Monts de Cristal, le Massif du Chaillu et les Monts Doudou), ont servi de refuge aux Begonia des sections citées précédemment, pendant les périodes glaciaires plus froides et plus sèches ; au Pléistocène, les forêts et ces plantes se sont maintenues sur ces montagnes sans avoir la possibilité de s’étendre en dehors de ces reliefs (d’où un endémisme important et la priorité que donnent ces bégonias à leur multiplication végétative sur la reproduction sexuée, la meilleure preuve étant leur non auto-fertilité et le peu de fruits que nous rencontrons sur ces plantes).
Après des démarches administratives longues et laborieuses (plusieurs mois ! ) j’ai obtenu des autorités gabonaise (l’ANPN, l’Agence Nationale des Parcs Nationaux et sa cellule scientifique) l’autorisation d’entrée et de recherche dans ces parcs et leurs zones tampon.
Nous envisageons cette fois de passer par São-Tomé à l’aller et au retour, ce qui nous fera transiter par Lisbonne. Décollage de Nantes, le 29 mai.
São-Tomé (du 31 mai au 2 juin puis du 26 au 29 juin) :
Cette petite île (environ 900 km2) de l’état de São-Tomé – Principe, indépendant depuis 1975, est un ancien volcan qui culmine à 2024 mètres et dont toute la zone montagneuse est recouverte d’une forêt pluviale dense. Les sommets y sont souvent dans les nuages.
Pourquoi s’arrêter à São-Tomé ? Parce qu’on y trouve des bégonias ! Aucun bégonia à fleurs jaunes, l’île étant plus récente que le continent, où se situe le Gabon, mais un endémisme important dû à l’isolement : São-Tomé est située dans l’Atlantique, en face du Gabon, donc sous l’Equateur et à environ 350 km du Gabon. On y trouve cependant des bégonias très intéressants, en particulier l’emblématique et endémique Begonia baccata (photo 2, 3, 4, 5).
Nous le rencontrons très souvent au cours de notre première randonnée de Bom Sucesso à Bombaim, qui n’est pas véritablement une promenade : 18 km de terrain montagneux, par 30°C à l’ombre ! B. baccata est partout, du niveau de la mer jusqu’à une altitude de 1500 m. C’est une plante spectaculaire, le plus souvent érigée, et elle peut alors atteindre une hauteur de 2 m, quelquefois pendante, sur les talus escarpés ou les falaises, et même épipyte sur les troncs ; la plante est très souvent fleurie à cette époque de l’année ; nous notons la présence de nombreux fruits, non matures fin mai mais qui auront mûri quand nous reviendrons fin juin ; ils sont alors d’un beau rouge vif ; nous remarquons de nombreux semis sur les talus et également sur les murs en ruine des roças oubliées dans la forêt, restes des exploitations qui géraient la culture du cacao, disparues depuis l’indépendance.
Antonio, notre guide du jour, affirme que B. baccata est le plus grand des bégonias…mais il ne connaît pas B. parviflora d’Equateur…
Nous trouvons aussi, au cours de la même randonnée, B. crateris (photo 6) à proximité d’un ancien cratère. Ce bégonia ressemble à B. baccata, mais presque toute la plante est recouverte d’un indument (revêtement de poils) qui n’existe pas chez B. baccata et ses feuilles sont peltées et plus épaisses ; il semble moins développé (peut-être n’avons-nous pas vu de plante adulte ? ) ; les exemplaires que nous rencontrons ne sont pas fleuris. Il est par ailleurs beaucoup moins fréquent que B. baccata et se cantonne à des altitudes comprises entre 900 et 1500 m.
Au cours de notre second séjour à São-Tomé, au retour du Gabon, nous longeons la côte ouest de l’île. Nous y retrouvons, sur des falaises de lave, B. baccata accompagné d’une petite plante annuelle, B. annobonensis (photo 7, 8) (qui tire son nom de l’île Annobon, proche de São-Tomé), en début de floraison ; il est caractérisé par une touffe de poils circulaire sur la face inférieure des feuilles, à l’insertion du pétiole.
L’objectif principal, en venant à São-Tomé, était de trouver Begonia thomeana, plante terrestre grimpante pas tout à fait endémique puisqu’on la trouve également dans le Massif du Chaillu, au Gabon. Adilson, notre taxi, nous conduit jusqu’à Bombaim d’où nous partons avec Francisco, guide santoméen qui connaît bien la forêt. J’ai une donnée GPS qui indique B. thomeana à 2 km au sud-ouest de Bombaim, point impossible à atteindre tellement l’accès est compliqué ! Nous pataugeons dans la boue pendant 4 heures par des sentiers interminables qui à aucun moment ne nous rapprochent du point ! Nous constatons une fois encore que lorsqu’un point GPS donne un site à plus de 1 km, il est très difficile de l’atteindre ! Un forestier nous réconforte avec une dégustation de vin de palme qu’il vient de récolter…Francisco, quant à lui, a fait provision pour son déjeuner… des larves d’un coléoptère, récupérées dans une souche pourrie !
Nous trouvons dans cette zone, B. ampla (photo 9) non endémique et présent dans toute l’Afrique équatoriale. Une seule plante fleurie mais de nombreux jeunes pieds épiphytes sur les troncs.
Nous aurions également pu trouver sur l’île : B. molleri, B. loranthoides subsp. loranthoides et B. subalpestris, tous les trois de la section Tetraphila.
Nous quittons les sympathiques habitants de São-Tomé après ces deux séjours brefs mais intenses…L’île n’est pas paradisiaque mais nous gardons un bon souvenir de la bonne humeur de ses habitants (photo 10) tout particulièrement dans les villages de pêcheurs de la côte ouest à l’arrivée des pirogues au retour de la pêche (photo 11).
Région des Monts de Cristal au Gabon (du 4 au 9 juin) :
Libreville : visite à l’ANPN où nous rencontrons Flore Koumba Pambo de la Cellule scientifique, qui a instruit mon dossier et grâce à qui j’ai pu obtenir une autorisation de recherche. Puis récupération du 4×4. En route pour les Monts de Cristal.
Juin est le début de la saison sèche et le ciel est souvent gris en matinée. La route au départ de Libreville est…catastrophique sur 60 km et nous imaginons facilement l’épreuve qu’elle représente en saison des pluies…
A Kougouleu, à environ 70 km de Libreville, nous nous dirigeons vers Assok dans le nord. Nous passons les villages de Mela, Nkan et Song et commençons à explorer les ruisseaux qui descendent de la montagne. Nous y trouvons B. hirsutula, B. clypeifolia très fréquent (photo 12), B. macrocarpa et B. sciaphila (qui ressemble beaucoup à B. auriculata, mais ce dernier a des fruits triailés alors que ceux de B. sciaphila possèdent 4 ailes).
Nous recherchons en vain B. aggeloptera indiqué par Marc Sosef comme très fréquent dans la forêt près de Nkan. Nous sommes pris dans la soirée par une grosse averse. Le repas du soir se fera en partie dans le coffre du 4×4, avant le bivouac. En brousse, sans électricité (hormis nos frontales), nous vivons au rythme du soleil : coucher vers 19 heures et lever vers 7 heures…
Dès le lendemain matin, nous repartons en exploration dans les rivières au nord de Nkan. Rencontre avec de nombreux bégonias : B. clypeifolia toujours en grand nombre, B. auriculata, deux formes de B. lacunosa : une magnifique, sombre avec la nervure principale vert clair (photo 13) et une au limbe bullé très sombre, presque noir (photo 14).
Je découvre alors ce que je crois être B. peperomioides, espèce rare que je ne connais pas ; malheureusement, contrairement à B. peperomioides, la plante trouvée a des feuilles peltées et Marc Sosef pense plutôt à une forme de B. clypeifolia (photo 15). Déception !
Des épiphytes sont également présents : B. elaeagnifolia et B. eminii, en pleine lumière, en fleurs et avec des fruits rouges (photo 16). Nous remarquons également dans ce site très riche, un jolie Impatiens et, en grand nombre, Costus englerianus à fleur blanche.
Nous quittons la zone tampon du parc des Monts de Cristal et nous dirigeons vers Kinguélé, dans le parc lui-même. Nouveau bivouac et attaque sévère des fouroux avant la tombée de la nuit. Ces minuscules et redoutables insectes, des simulies, hématophages, passent dans les mailles des moustiquaires que nous installons à deux fenêtres du 4×4 ouvertes, pour garder une bonne ventilation la nuit. Ces bestioles sont donc entrées dans le véhicule…Morsures assurées et nombreuses !
Kinguélé : formalités chez les gendarmes qui examinent mes autorisations puis visite de notre logement avec notre guide qui dit se prénommer JT (sic ! ). Dans chaque parc, nous devons obligatoirement être accompagnés d’un guide de l’ANPN : il s’assure que nous respectons les règles et « veille » sur notre sécurité… Un serpent vert nous accueille dans la case. JT qui ne réussit pas à le faire sortir veut le tuer ! Nous nous y opposons et demandons gentiment au serpent de partir, ce qu’il fait…
Nous passons l’après-midi en forêt sous la centrale électrique de Kinguélé, sur la rive gauche de la rivière Mbei, site très riche en bégonias. Nous y rencontrons, de la section Scutobegonia : B. hirsutula, B. scutulum endémique du Gabon qui ressemble au précédent mais dont les feuilles plus grandes sont peltées et B. erectotricha (photo 17). Puis, de la section Filicibegonia, nous trouvons B. elatostemmoides et B. auriculata.
Nous partons tôt le lendemain matin, à 2 km au nord de Kinguélé pour explorer les gorges de la rivière Mbivame, affluent de la Mbei. Zone également très riche : B. lacunosa est très très fréquent, en particulier la forme au limbe sombre peu bullé, mais très peu de specimens fleuris et quelques fruits non matures. Nous trouvons B. clypeifolia, B. scutulum, un pied fleuri de B. erectotricha, et un pied (et un seul) de B. heterochroma (photo 18). B. sciaphila, B. auricula et B. elatostemmoides sont aussi présents. Une Gesnériacée à feuillage noir et fleurs blanches se développe sur le sol en grande quantité et une magnifique petite Impatiens (photo 19) tapisse les rochers de ce site.
L’après-midi nous partons sur la route de Kinguélé – Tchimbélé explorer les petites rivières qui descendent des Monts de Cristal et tenter de retrouver la cavité en bordure de piste où nous avions rencontré B. vittariifolia, B. susaniae et B. letouzeyi. La piste ayant été élargie, il nous semble bien que cette station a été détruite. Au retour, arrêt au village de Makabane où la chef (et oui, il existe des femmes chefs de villages au Gabon ! ) nous fait visiter son jardin. Pour terminer, nous remontons une petite rivière garnie de nombreux rochers et très riche en B. letouzeyi dont deux formes apparaissent : une au dessus du limbe densément poilu (photo 20), l’autre, glabre (photo 21) ; nous y trouvons également B. susaniae (la forme type très bullée et la forme au limbe non bullé, de couleur sombre et suborbiculaire (photo 22). Journée riche en découvertes. Nous avons bien mérité une bière (ce sont les dernières ! )
Dernier jour dans les Monts de Cristal : de nombreux B. lacunosa sur la litière du « sentier de la SEEG » (Société d’Electricité et d’Eau du Gabon) juste au nord de Kinguélé, dans sa forme sombre et sa forme verte (photo 23). Nous visitons ensuite la cascade appelée « chutes de Kinguélé », mais pratiquement à sec en ce début juin. Peu de bégonias dans ce site ; nous notons cependant le rare B. erectotricha, puis B. sciaphila en fruits. Une dernière rivière (photo 24) nous montre B. scutulum en fleurs, B. hirsutula, B. letouzeyi, B. lacunosa (encore lui ! ) et B. auriculata.
Retour à Libreville, par la piste de la SEEG, puis rebonjour les bouchons et la route (nationale ! ) défoncée avant d’arriver à la capitale pour refaire un peu de ravitaillement.
Environs de Ndjolé, réserve de La Lopé et tentative d’approche du massif du Chaillu (du 10 au 14 juin) :
Nous quittons à nouveau Libreville le 10 juin, de bonne heure pour éviter les bouchons de la banlieue de la capitale. La route est bitumée à partir de Kougouleu et en bon état. Nous nous dirigeons vers Ndjolé, située dans une zone montagneuse riche en bégonias, où j’espère trouver B. wilksii. Arrêt à l’Auberge Saint Jean juste avant de partir en exploration dans les rivières que traverse la route Ndjolé / Mitzic vers l’est.. Malheureusement, les indications géographiques données par Marc Sosef ne sont plus valides : elles partaient de l’ancienne piste qui longeait le fleuve Ogoué sur une vingtaine de kilomètres et qui n’existe plus, remplacée par une route bitumée située plus au nord du fleuve. De plus, les indications GPS sont données à la minute (en réalité, d’après JJFE de Wilde, botaniste hollandais grand spécialiste des bégonias africains, ces données ont été notées au retour d’expédition, sur carte découpée en carrés dont le côté représente « 1 minute », car à l’époque, dans les années 80, le GPS n’existait pas ! ). Or une minute, c’est 1800 m sur le terrain ! Impossible de retrouver B. wilksii ! Il ne nous reste plus qu’à remonter toutes les rivières qui croisent la route avant de se jeter dans l’Ogoué ! Vous l’aurez compris, et c’est toujours le même problème, ce n’est pas un mois qu’il faut consacrer à un voyage de recherches de bégonias, mais bien plus ! Deux rivières explorées dans la soirée ne donnent aucun résultat !
Dès le lendemain matin, nous explorons deux autres rivières dont l’une, au km 20, offre deux espèces intéressantes poussant sur les talus escarpés de la rive : une forme peu commune de B. scutifolia, au limbe falciforme, légèrement succulent et aux feuilles en position presque horizontale ; la seconde est une autre forme de B. lacunosa (photos 25, 26, 27) (encore lui ! ), aux feuilles verticales appliquées contre le talus, au limbe elliptique, très asymétrique et à fleurs blanches. Je remarque que B. scutifolia occupe la base des talus alors que B. lacunosa pousse plutôt en haut. Une seconde rivière, la Beloubelou, au km 43, ne nous donne rien d’intéressant.
Nous partons vers la réserve de La Lopé. A partir de la route bitumée, il va falloir avaler 80 km d’une piste très rocailleuse qui demandera…3 heures 30 ! La réserve de La Lopé est une immense savane de 5000 km2 environ, traversée par l’Ogoué (photo 28), ponctuée de forêts montagneuses et de forêts-galeries. Rencontre dans la soirée avec notre sympathique guide Gabonais, Ghislain. Rendez-vous à 7 heures pour les formalités d’entrée dans le parc et une balade dans la réserve en espérant que nous y verrons des animaux : buffles, éléphants, gorilles, etc et, qui sait, peut-être des bégonias.
Circuler en voiture dans la réserve n’est pas de tout repos : la piste n’est pas entretenue et elle est souvent cachée par les hautes herbes ! Nous verrons peu d’animaux (une femelle chimpanzé avec son petit, quelques petits singes et de nombreuses traces d’éléphants).
Nous cherchons des bégonias dans la forêt : un torrent nous laisse espérer des découvertes mais, rien ! Aucune végétation sur les rochers de ce cours d’eau (photo 29) alors que ce sont habituellement de véritables jardins suspendus ! Etonnant ! Est-ce dû à la nature de la roche ? Les gens d’une station de recherche nous indiquent un endroit possible et nous y trouvons effectivement, dans le lit d’un ruisseau très difficile d’accès, le bégonia de la journée B. mildbraedii (photo 30) avec fleurs et fruits (photo 31).
Nous reprenons la route le lendemain : Ndjolé, Bifoun, Lambaréné, Mouila puis nous obliquons vers l’est, vers Yeno, donc vers le Massif du Chaillu, réputé très riche en bégonias. Malheureusement, à 35 km de Mouila, un Caterpillar a cassé un pont ! Demi-tour et déviation vers Bilingui. Nous finissons par atteindre Yeno. Nous sommes à 26 km de Mimongo qu’un arbre tombé sur la piste nous avait empêché d’atteindre en 2010.
Nous n’irons encore pas à Mimongo : en effet, à 2 km de Yeno, nous buttons sur un bourbier énorme : 100 m de long avec des ornières de 60 cm de profondeur ! Infranchissable, même avec le 4×4 !
Désespérant ! Demi-tour et bivouac dans le véhicule. En route vers le sud dès le lendemain matin sans prendre le petit-déjeuner car les fouroux attaquent !
Parc de Moukalaba-Doudou, Doussala. Nous n’irons pas au Mont Mougoubi ! (du 16 au 20 juin)
Après une escale à Fougamou, nous filons vers Tchibanga dans le sud-ouest. La route, refaite depuis peu, est belle. Malheureusement, les travaux n’ont pas été terminés et les 35 derniers km se font par une piste épouvantable. Au dernier barrage de contrôle (nous en avons subi une vingtaine pendant tout ce voyage, à l’entrée et à la sortie de toutes les villes traversées), les gendarmes en fin de service, nous demandent de les emmener à Tchibanga…Ils nous guident à l’arrivée vers l’ANPN qui gère le Parc de Moukalaba-Doudou et où je présente mes autorisations. Nous y trouvons notre guide Peter de l’organisation Program, association protectrice des grands singes du parc et qui travaille avec l’ANPN à Tchibanga. Les habitants de Doussala sont impliqués dans cette association et participent en fournissant des pisteurs, des porteurs, une cuisinière ainsi qu’une pirogue et son piroguier pour traverser la Moukalaba, le pont sur cette rivière étant cassé depuis…plus de 10 ans ! Comme il n’y a pas de véhicule disponible à Tchibanga, nous devrons emmener Peter à Doussala, un pisteur et tout le ravitaillement, dans notre 4×4 !
Plus de 3 heures pour effectuer les 70 km, piste particulièrement difficile sur les 10 derniers kilomètres ! Nous croisons une troupe de Cobes Defassa (photo 32) dans la savane qui s’étend ici depuis Tchibanga, jusqu’à Doussala et aux Monts Doudou. Installation à Doussala dans la case Madre (photo 33), ancien logement du forestier qui gérait le chantier d’exploitation du bois dans les Monts Doudou jusqu’en 2000, et supprimé depuis la création du parc. Les Monts Doudou constituent le spot intéressant du parc ; il y pousse quantité de plantes endémiques, dont des bégonias. Quand le pont sur la Moukalaba existait encore, on pouvait y aller en voiture. Maintenant, il faut traverser la rivière en pirogue et faire 15 km à pied jusqu’à ces montagnes !
Dans l’immédiat, avant de partir vers les Monts Doudou , nous avons programmé de passer 2 jours à Doussala pour essayer de voir les gorilles qui ici, sont en « habituation » à la présence de l’homme (et des touristes, peu nombreux, il faut bien l’avouer…) Peter nous accompagne avec des pisteurs dans la forêt qui commence juste derrière la case Madre. En cas de danger, la consigne est de rester entre le pisteur (en tête) et le guide (en queue) quoi qu’il arrive ; si des éléphants chargent, il faut courir et se « cacher » derrière un arbre…Nous ne verrons pas un seul gorille ! Mais par contre, nous sommes chargés par des éléphants vraiment peu aimables ! J’ai vécu 5 ans au Gabon sans jamais voir un seul éléphant, mais ici, je prends conscience du danger que peuvent représenter ces animaux, surtout quand des petits sont dans le troupeau. Et en forêt, on les entend sans vraiment les voir. Quand on ne les entend plus, et qu’ils sont quand même dans les parages, danger ! Heureusement les deux charges furent de courte durée, le grand « porteur » (un mâle qui accompagne le troupeau) s’est arrêté après 15 m de charge (il valait mieux car nous étions dans des fourrés où les grands arbres censés nous protéger, n’étaient pas présents). Nous garderons longtemps le souvenir du barrissement avant la charge, impressionnant ! Le second attaquant était un jeune qui s’est arrêté très vite. Quand il a chargé, nous nous attendions à voir débouler un gorille dont nous avions trouvé une superbe… crotte, juste avant…
Nous trouvons quand même quelques bégonias, une superbe forme de B. lacunosa (photo 35)¸ B. mildbraedii et B. elatostemmoides (photo 36), tous regroupés au même endroit, entre deux talus de latérite.
Réconfort à la Case Madre où Mamina, notre cuisinière, fait des prodiges que nous dégustons aux repas du soir. (photo 34).
C’est alors qu’un autre événement se produit : les fouroux très nombreux ici, attaquent en début de matinée et en fin de journée, tous les jours et plus particulièrement quand le temps est gris. Ils sont des centaines ! Habituellement, la morsure occasionne une forte démangeaison mais de courte durée. Colette, quant à elle, fait une grosse allergie avec des plaques inflammatoires sur les jambes, problème aggravé par le frottement des pantalons sur la peau ! Le médecin le plus proche est à Tchibanga, il n’y a pas de réseau pour téléphoner et nous avons sans doute 25 km à faire pour atteindre le Mt Mougoubi, notre objectif dans les Monts Doudou (le GPS indique ce sommet à 18 km…à vol d’oiseau…). Nous renonçons. Il était trop risqué de se lancer dans cette aventure ! C’est sur le Mt Mougoubi que pousse B. dewildei…Regrets !
C’est la fin du voyage…
Nous sommes donc en avance sur notre programme puisque l’expédition au Mt Mougoubi devait durer 4 jours. Nous décidons alors de repasser par Ndjolé et de revoir, mais en la remontant cette fois, la rivière du kilomètre 20 explorée lors de notre premier passage ; très belle rivière à bégonias où je retrouve les mêmes plantes B. scutifolia (photo 37) et B. lacunosa, mais aussi, en amont, des traces d’éléphants avec des bouses toutes fraîches ! Je suis seul et sans pisteur, méfiance et demi-tour… Au kilomètre 19, un autre ruisseau, difficile d’accès et très ombragé, permet de retrouver B. scutifolia et une espèce indéterminée (photo 38) : feuilles sombres, non peltées, rouges dessous, très asymétriques, marge crénelée et avec un fruit typique (photo 39) de la section Scutobegonia, triailé mais avec des poils blancs aux extrémités des ailes, caractère peu fréquent des plantes de cette section : il ne s’agit pas, comme nous le pensions avec Marc Sosef, de B. anisosepala dont les feuilles sont peltées. Hybride ? Nouvelle espèce ?
Je garde en souvenir de ce site les morsures des « magnans », redoutables fourmis que j’avais dû déranger en descendant vers le ruisseau et qui m’attendaient au retour…(photo 40)
Retour à Libreville depuis Ndjolé (photo 41) et opération valises, toujours laborieuse…
Bilan somme toute assez positif : 18 espèces rencontrées pour 3 espèces que nous aurions aimé rencontrer : B. wilksii, B. aggeloptera et B. dewildei…et une espèce à déterminer ou à décrire…
Il est peu probable que nous revenions un jour au Gabon : trop compliqué, trop difficile, avant et pendant… !