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La déforestation à Madagascar

par Jacky Duruisseau

Pourquoi la déforestation ?

A Madagascar, contrairement à de nombreux pays d’Afrique où les gens de la brousse viennent s’installer (s’entasser) dans les grandes villes, l’occupation rurale est très importante ; de nombreux villages existent presque partout, sauf dans les parcs nationaux, les montagnes élevées où les forêts profondes.

Dans ce pays, les femmes ont en moyenne 5 enfants : la pression démographique est donc très importante avec trois contraintes :

  • Il faut nourrir la famille qui le plus souvent n’a aucun revenu : la base de la nourriture de ces peuplades est le riz ; dans la « campagne », pas d’autre solution que de créer des « champs » pour cultiver le riz : une seule possibilité, brûler la forêt (Il s’agit de riz de montagne, ne nécessitant pas l’établissement de rizières inondées), les vallées étant déjà occupées par des champs et des rizières inondées depuis longtemps.
  • Il faut faire cuire cette nourriture : le gaz en bouteille est hors de portée, d’un coût bien trop élevé et l’électricité n’arrive pas dans les zones rurales ; quand elle est installée, elle est également bien trop coûteuse pour ces gens. Il faut donc fabriquer du charbon de bois avec les arbres abattus non utilisables pour la construction des maisons.
  • Il faut « abriter » la famille, donc construire des maisons ; elles sont en bois dans la plupart des cas ; il faut donc abattre des arbres, scier des planches et des madriers !

Les parcelles déboisées sont soumises à l’érosion des eaux de ruissellement très forte en saison des pluies ; la couche, peu épaisse, de terre arable est emportée très rapidement ; de ce fait, les parcelles deviennent vite inutilisables pour la culture ; on brûle donc à côté.

Comme déjà dit, les familles rurales ont peu ou pas de revenus ; certains cultivent le giroflier, la vanille, l’ananas pour obtenir un peu d’argent qui servira à acheter les compléments de nourriture ; d’autres élèvent des zébus. Dans tous les cas, il faut défricher, déboiser, pour établir des plantations ou nourrir du bétail.

Un autre problème !

Très préoccupant, déjà dénoncé par les médias européens : le trafic de bois de rose (et de palissandre) ; les élites seraient complices de ce trafic : ils revendraient les bois précieux aux Chinois très demandeurs !

En fait, la corruption règne à Madagascar, à tous les niveaux : fermer les yeux sur le trafic de bois et sur la création de parcelles de culture dans les parcs se gère avec des pots de vin.

Quand des gardes non corrompus (il en existe) découvrent des parcelles déboisées, le « chantier » est « interdit » d’exploitation, abandonné et reste en l’état ; il y pousse en quelques années une végétation secondaire quasi-impénétrable.

Etat des lieux, des exemples :

En 2001, à Vodiriana, petit village sur la rivière Voloina (qui se jette dans la baie d’Antongil, à l’ouest de la baie, dans le nord-est de Madagascar), Henri Laporte, entrait, dès la sortie du village, dans la forêt de la Makira : un immense plateau montagneux recouvert de forêt primaire non encore complètement explorée ; en 2013, donc 12 ans après, il faut 2 heures de marche dans les brûlis, les rizières et les cultures pour atteindre la forêt ! En 2015, la forêt primaire est à 10 km de Vodiriana ! Toute la bordure de la baie est déboisée. Quand on quitte Maroantsetra en avion, en saison sèche, on aperçoit de nombreuses colonnes de fumée…

Nous avons eu l’occasion, cette année (2015) au mois d’avril, de survoler la presqu’île de Masoala (sur la rive est de la même baie d’Antongil) ; la bordure située en dehors du parc de Masoala, est déboisée ; le survol montre que même dans le Parc, où normalement aucune culture n’est autorisée, il y a des « trous » dans la forêt, des zones défrichées et même, cultivées. C’est parfaitement visible sur Google Earth !

Entre Maroantsetra et Ambanizana (village de Masoala situé sur la baie d’Antongil à mi-chemin entre Maroantsetra et Cap Masoala), nous avons exploré en 2013 l’une des deux rivières Ambilosy, la petite appelée Ambilosykely.

Nous y avons trouvé un site extraordinaire juste au bord du ruisseau : l’érosion y a dégagé des rochers dont un énorme sur lequel poussent quatre espèces de bégonias ; sur le talus proche, croît une autre espèce (B. masoalensis) : cinq espèces de bégonias sur une surface de 200 m2. Nous sommes revenus cette année. Ne trouvant plus dans la forêt le sentier qui menait à cet endroit, nous avons demandé aux gens du village Ambilosy, où il se trouvait : réponse « il n’y a aucun sentier qui longe la rivière » !! Bizarre ! Nous tentons une approche plus haut puis repiquons au sud vers la rivière ; le GPS nous permet de retrouver le site : un champ de riz à droite ; un gros arbre abattu et débité en madriers à gauche ! Les paysans ne tenaient pas trop à ce que nous puissions voir ce désastre ! Le gros rocher n’est plus à l’ombre et les talus avoisinants sont en pleine lumière. Les 5 bégonias sont toujours là, mais pour combien de temps ? L’hygrométrie du site est maintenant insuffisante. Dans 6 mois, dans un an, il ne poussera plus un seul bégonia ici !

Des solutions ?

Il faut évidemment une volonté politique de changer les choses en aidant les populations rurales.

Des ONG proposent des solutions alternatives permettant aux paysans de cultiver plusieurs années de suite des zones déboisées en y incorporant des produits « verts » ; dans ces villages, la déforestation est maintenant beaucoup plus limitée ; je sais que cela existe mais je n’ai pas de détails.

Situation catastrophique donc, non seulement pour les bégonias, mais pour tout ce que cela représente de perte pour nous tous.