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Voyage à Madagascar (2015)

par Jacky Duruisseau

 (Photos C. Bridon, E. Bouquet et J. Duruisseau)

 

Nous voici en route pour notre 3è expédition à Madagascar.

Nous sommes trois : Evelyne Bouquet du Jardin Botanique de Lyon, Colette et moi. Le programme est ambitieux (trop ? ) : le massif de l’Ankarana dans le nord, le massif du Marojejy dans l’est, la Forêt de la Makira à l’ouest de la Baie d’Antongil et la presqu’île de Masoala, à l’est de la même baie. Nous avons déjà exploré en partie toutes ces régions, en 2009 (avec Bernadette Sénéchal) et 2013, sauf le Marojejy.

Pourquoi avril ? Dans la partie nord de Madagascar, la saison des pluies s’arrête habituellement vers fin-mars / avril ; la saison sèche commence alors et permet aux fruits des bégonias, qui se sont formés juste avant, de sécher et de libérer leurs graines. Elle permet aussi de remonter les torrents de montagne car ils ont beaucoup moins d’eau.

Malheureusement, les éléments vont se liguer contre nous et ce beau programme en sera très affecté !

Région nord : Le Massif de l’Ankarana et la Montagne d’Ambre

 Mardi 24 mars : Eugène Goulam, notre guide habituel dans la région, est au rendez-vous à l’arrivée de l’avion Antananarivo / Diego Suarez (ou Antsiranana). Il fait beau, aux alentours de 27°C. Eugène nous semble fatigué et malade ! Premier arrêt-bégonias, peu avant l’Ankarana, au « site du baobab » situé entre rivière et  un fossé, rempli d’eau cette année. Ce beau baobab est tombé et nous devons nous faufiler entre les branches pour parvenir à la station de B. nossibea (photo 1) qui colonise le talus supérieur du fossé (nous pensions en 2009, à tort, qu’il s’agissait de B. françoisii). La plante est fleurie et les fleurs d’un rose foncé se voient de loin. En contrebas, sur le talus vertical qui borde la rivière, nous apercevons de nombreux pieds qu’il est malheureusement impossible d’atteindre en raison du niveau de l’eau.

Nous repartons le lendemain matin (mercredi 25 mars)  vers le nord en direction de la Montagne d’Ambre. Ce grand massif essentiellement volcanique est recouvert de forêts. Arrêt pour réparation de deux roues crevées dans un village, ce qui nous permet d’observer les Malgaches dans leurs occupations quotidiennes : le marché (photo 2), le départ des taxis légèrement en surcharge (photos 3, 4).

Beaucoup de sourires et aucune agressivité de la part de ces gens. Puis nous entrons dans le parc d’Ambre à Joffreville, ancienne ville de garnison où les militaires français, au temps de la colonisation, venaient se reposer en altitude et au frais ! Un éboulement nous empêche malheureusement d’accéder à la partie occidentale du massif (j’avais justement deux points GPS…pour deux espèces ). Nous suivons le « sentier botanique » et découvrons deux bégonias : B. humbertii, (photo 5) en épiphyte sur un arbre, et une autre espèce saxicole, rhizomateuse, (photo 6) à feuilles entières, à proximité d’une cascade (photo 7). La pluie nous surprend au moment du pique-nique (évidemment !)

Nous restons dans l’Ankarana le lendemain (jeudi 26 mars) . L’objectif est de redécouvrir B. razafinjohanyi (photo 8) que Henri Laporte avait trouvé en 1998. La flore de Keraudren-Aymonin (Flore de Madagascar et des Comores / Bégoniacées) indique sa présence dans l’Ankarana du nord. Lucile Allorge du Muséum de Paris, interrogée au sujet de cet endroit  (il y aurait deux Ankarana ? ), nous avait précisé que « Ankarana du Nord » désignait la partie de ce massif se trouvant à droite de la route de Diego Suarez, alors que le massif de l’Ankarana proprement dit se trouve à gauche de cette route. Eugène nous fait accompagner par trois de ses employés pour garder la voiture et nous protéger en cas d’attaque des brigands, nombreux, parait-il, dans ce secteur où on cherche or et saphirs… B. razafinjohanyi est un petit bégonia (dédié à A. Razafinjohany, dessinateur malgache qui a réalisé de nombreux croquis de plantes au jardin botanique de Tsimbazaza à Antananarivo) endémique du plateau calcaire de l’Ankarana du nord où on peut le rencontrer dans les forêts tropophiles en-dessous de 350 m, notamment près des ruisseaux ; c’est une plante qui disparaît en saison sèche, ne conservant alors que sa racine tubériforme. Nous cherchons ce bijou en vain ; l’Ankarana du Nord comme le reste du massif, est un plateau calcaire d’accès difficile, au relief tourmenté en aiguilles calcaires, les tsingy ; le point GPS que nous avons, ne donne rien ! Disparu ? Au repos ? Ailleurs, certainement, mais où ? Aucun bégonia, et …aucun brigand ! Par contre, nous rencontrons un boa magnifique (photo 9) : complètement inoffensif et placide, cet animal nocturne passe la journée à dormir sur une fourche d’arbuste à un mètre du sol. N’oublions pas les caméléons (photo 10) que nous rencontrons souvent et partout ; Madagascar est réellement le pays des caméléons !

Une fois encore, nous regrettons de ne pas rester plus longtemps dans cette région. Le problème est toujours le même : soit rester plusieurs jours dans un site susceptible d’être intéressant, soit visiter plusieurs sites, mais seulement y « passer »…

Dans l’après-midi, nous partons dans l’Ankarana proprement dit, avec l’intention d’aller vers la « Grotte aux chauve-souris ». Le sentier nous amène à la fameuse grotte creusée dans le calcaire ; sur toute la falaise voisine pousse B. ankaranensis (photo 11) plante endémique de cette région. Il est en pleine floraison. Nous l’avions pris pour B. sambiranensis (ce nom fait allusion à la région géographique du Sambirano, dans le nord-ouest de l’île, où coule la rivière du même nom) lors de notre expédition de 2013, mais ce dernier est unifolié, ce qui n’est pas le cas de B. ankaranensis.

Un point GPS glané sur Tropicos devrait nous mener à Begonia mananjebensis (du nom du fleuve Mananjeba qui se jette dans le canal du Mozambique) à proximité du sentier menant à « La perte de rivière », un énorme trou (un aven) dans lequel s’engouffre l’eau en saison des pluiesCette fois l’information est bonne et nous découvrons une très belle station (photo 12) de ce superbe bégonia tubéreux aux feuilles palmatilobées, sur des laves qui ont recouvert les tsingy  calcaires au cours d’éruptions plus récentes (pendant l’ère quaternaire). La plante qui va bientôt se mettre au repos est en fin de floraison et les capsules matures sont nombreuses.

Nous reprenons la recherche de B. razafinjohanyi le lendemain, le matin du vendredi 27 mars , au sud d’Ambilobe, près du fleuve Mahavavy, dans un ruisseau déjà exploré en 2013 ; l’endroit est maintenant très habité et le ruisseau qui draine des eaux usées est très pollué…Nous retrouvons B. nossibea (photo 13) au bord du fleuve (le nom de nossibea vient de Nossy Be, une île très touristique de la côte Ouest où pousse ce bégonia).

Nous sommes prêts pour l’aventure : la fameuse route de Vohemar…la route de l’impossible !

La piste de Vohemar, la route de l’impossible !

Ambilobe (sur la côte ouest de Madagascar) – Vohemar (sur la côte est), 160 km de piste complètement défoncée. Inimaginable ! Une succession de bourbiers ! (photos 14, 15) La réfection de cette route aurait été financée deux fois mais jamais effectuée, les fonds alloués à ces travaux ayant… disparu ! Il faut dire que les sociétés qui assurent depuis longtemps le transport des marchandises de Tamatave (Toamasina) à Diego-Suarez (Antsirana) par voie maritime, ne sont pas du tout favorables à l’existence d’une route reliant ces deux centres importants…

Il nous faudra deux jours pour rallier Vohemar, et 10 heures le premier jour, pour faire les 100 km qui séparent Ambilobe de Daraina, ce qui fait, si je compte bien, une moyenne de 10 km par heure ! Les villageois, pauvres et malins, profitent de la situation : quand un bourbier existe à proximité d’un village, ils suggèrent, de passer par le village en empruntant une déviation plus carrossable…, on paye et la barrière se lève ! D’autres cherchent de l’or dans les cours d’eau (photo 16).

Une chance : pas de pluie en cours de route, et un seul camion embourbé (photo 17) qui a pu se dégager  rapidement ; certains peuvent rester bloqués plusieurs jours et empêcher ainsi toute circulation sur la piste ! Notre chauffeur Joël,  très expérimenté, conduit régulièrement un camion sur ce trajet et a pu éviter tous les pièges …

J’avais quelques points-bégonias GPS dans la région de Daraina. Malheureusement, les bégonias semblent se trouver bien loin de la piste, sur les collines boisées que nous apercevons au loin ! Impossible d’aller voir, par manque de temps.

Région est : Le Massif du Marojejy

Nous atteignons Sambava, capitale de la vanille, dans la soirée du second jour. Cette ville au bord de l’Océan indien, est le point de départ obligé pour toute expédition vers le massif volcanique du Marojejy (photo 18). La flore de Keraudren-Aymonin indique la présence de nombreux bégonias dans cette région accidentée où la forêt semble préservée.

Nous nous dirigeons vers Andapa (dimanche 29 mars et, après avoir pris un peu de ravitaillement, nous effectuons les formalités d’entrée dans le parc : droits d’entrée, de séjour dans les campements, engagement d’un guide (Désiré), d’un cuisinier et de porteurs. Il fait beau et chaud, et il est 11 heures : nous allons démarrer notre marche en pleine chaleur ! Nous devons parcourir deux  kilomètres avant d’accéder à la forêt et… trouver de l’ombre (photos 19, 20) ! Il reste alors … 6 km environ de montée ! Journée difficile ! Mais nous rencontrons notre premier bégonia en traversant un torrent : B. nana (ce qui signifie nain) qui pousse en grand nombre ici (photos 21, 22, 23). Malheureusement ce petit tubéreux ne présente que peu de fleurs et aucun fruit. Le tubercule est fortement accroché sur les rochers ce qui permet à la plante de ne pas être emportée par les eaux en saison des pluies. Dans la forêt, nous retrouvons un sympathique boa endormi sur sa fourche…

Nous arrivons dans la soirée au Camp Mantella. Un campement agréable nous y attend et nous permet de récupérer. L’équipement est sommaire (photo 24) mais nous pouvons faire un peu de toilette et boire (du thé et de l’eau, qui seront nos seules boissons pendant ces trois jours…aucune bière fraîche  dans la région ! ). La nuit tombe, l’orage gronde au loin et une averse vient rafraîchir l’atmosphère. Une multitude de grenouilles démarrent un concert qui durera… jusqu’au lever du jour ! Nous réussissons à en repérer une, minuscule (photo 25) : comment un animal aussi petit (2 cm) peut-il émettre un chant aussi puissant ?

Départ tôt le matin (lundi 30 mars)  vers le camp n°2 à 2 km du premier campement ; pas un seul bégonia à proximité du sentier. Le campement est occupé par une dizaine de touristes hollandais. Nous dépassons le camp et commençons nos recherches en nous éloignant un peu du sentier qui mène au camp terminal, le n°3 . Nous trouvons ici B. lyallii var. pubescens(photo 26) au limbe  couvert de poils courts, raides et éparses. Mais là encore peu de fleurs. Ce bégonia est une liane rampante (photo 27) comme tous les Begonia lyallii. Nous nous enfonçons un peu plus dans la forêt, et à proximité d’un ruisseau et d’une cascade, nous découvrons sans doute le plus beau bégonia de Madagascar (photos 28, 29), peut-être B. betsimisaraka (de Betsimisaraka, nom de l’ethnie principale du nord-est de Madagascar). Une merveille ! Mais là encore, pas une fleur,sur cette espèce tubéreuse qui pousse sur les rochers mais aussi en épiphyte sur les troncs. Le limbe est particulièrement décoratif, constellé de points colorés.

Nous refaisons le même chemin le lendemain matin (mardi 31 mars)  sans atteindre le camp n°3 trop éloigné et d’accès difficile. Aucun bégonia dans ce secteur, mais Désiré nous montre un arbre fossile (Tatthajania) qui serait, dit-on, utilisé dans la pharmacopée locale pour le  traitement de … 52 maladies !

Le Marojejy (photo 30) fera l’objet d’une autre exploration, par un autre accès ; en effet, le circuit officiel du Parc suit un sentier duquel on ne doit normalement pas s’éloigner. Mais la flore de Keraudren indique de nombreux sites intéressants, en particulier le cours de la rivière Lokoho, où poussent de nombreux bégonias.

Retour vers Andapa le lendemain (mercredi 1er avril) ; nous effectuons les formalités de sortie du Parc ! Eugène, notre guide de l’Ankarana qui nous avait accompagné jusque-là, est malade et nous quitte pour essayer de trouver à Vohemar, une vedette susceptible de le ramener à Antsirana.

Nous n’irons pas dans la Makira !

Retour à Sambava dans la soirée.

C’est alors que les ennuis commencent ! Il va nous falloir 4 jours pour rejoindre Maroantsetra, qui se trouve seulement à une heure d’avion de Sambava !

Je résume : J1 (jeudi 2 avril)  : Sambava  / Antsirana / Nossy Be / Antananarivo. J2 (vendredi 3 avril) : Antananarivo / Antalaha ;  l’avion continue sur Tamatave et doit nous reprendre au retour ; il revient effectivement et nous voyons avec stupeur nos bagages être descendus de l’avion en raison d’une surcharge de l’appareil ! Au lieu de donner priorité aux passagers en transit que nous sommes, on fait embarquer les nouveaux passagers au départ d’Antalaha ainsi que leurs bagages et on descend les nôtres ! Protestations, évidemment, et comme le temps passe, nous restons bloqués à Antalaha  ! J3 (samedi 4 avril): Antalaha / Sambava (en bus) puis Sambava / Antananarivo. J4 (dimanche 5 avril) : Antananarivo / Sainte Marie / Tamatave (où le scénario des bagages recommence, mais nous protestons vraiment très fort et on remet bagages et passagers dans l’avion) / Maroantsetra. Quatre jours de perdus à survoler le nord de l’île et à attendre dans des hôtels que Air Madagascar veuille bien nous conduire là où nous devons aller !

Cette perte de temps nous oblige à annuler l’expédition dans la forêt de la Makira qui devait s’étaler sur 5 jours à partir de Maroantsetra !

Déception ! La Makira est un immense plateau où la forêt n’est encore pas complètement explorée et dont la déforestation, en bordure de la Baie d’Antongil, est sérieusement préoccupante ! Nous avions commencé sa visite en 2009 et en 2013 et y avions trouvé de superbes bégonias inconnus,  ce qui laissait présager de belles découvertes pour plus tard. Cette année, nous devions atteindre la forêt primaire, à une dizaine de km du village de Vodiriana (il y a 10 ans, la forêt commençait à la sortie du village ! ) et installer un campement en bordure de forêt afin d’explorer en rayonnant. Tout était prêt, mais les ennuis avec Air Madagascar non prévus…

Bon, positivons ! Nous sommes enfin à Maroantsetra et nous allons ajouter une journée au séjour d’une semaine prévu à Masoala

Nous voici enfin à Maroantsetra !

Nous atterrissons à Maroantsetra vers 16 heures ce dimanche 5 avril. Clément, notre guide habituel dans cette partie de Madagascar, nous accueille à l’aéroport puis un taxi nous conduit à l’hôtel Coco Beach où nous retrouvons Denise, la femme de Clément, notre cuisinière en brousse.

Le lendemain matin (lundi 6 avril), briefing au Coco Beach avec Séraphin, qui nous accompagnera pendant l’expédition à Masoala, Clément étant indisponible. La liste des courses est établie avec Denise : ravitaillement, eau, poulets, bananes, charbon de bois etc. Journée de repos et balade en ville. Nous nous remettons des journées précédentes moralement éprouvantes ! Clément et Séraphin ont réussi, comme je l’avais demandé, à contacter un pêcheur de Ambodiforaha, un village à mi-chemin entre Maroantsetra et Cap Masoala tout au sud, qui nous transportera, avec sa (grosse) pirogue pendant toute l’expédition. Moyen de transport plus coûteux mais beaucoup plus sûr que le bateau régulier que nous avions pris en 2013 et qui est toujours en surcharge….

L’île de Nosy Mangabe :

Malheureusement, le départ n’est possible que le surlendemain, le temps que la pirogue arrive à Maroantsetra. Nous décidons donc de passer une journée (Mardi 7 avril) à l’île de Nosy Mangabe,

Cette île, complètement couverte de forêt est une réserve intégrale de faune et de flore ; en 2009, seuls les chercheurs pouvaient y accéder, mais comme tout peut s’arranger à Madagascar, nous avions réussi à nous y rendre. Cette restriction n’existe plus et l’île est ouverte à tous après passage aux bureaux de l’Angap qui délivre billets et autorisations d’entrée. Négociations avec le propriétaire d’un bateau qui peut nous emmener et nous attendre pendant la journée. Il fait beau et l’eau est cristalline …Il faut environ une demi-heure pour atteindre l’île (photo 31).

Nous partons en exploration et découvrons notre premier bégonia : B. erminea L’Héritier. Ce tubéreux pousse ici en grande quantité à basse altitude (inférieure à 100 m) et nous allons le rencontrer très souvent (photo 32) sur les rochers (gneiss) le long des torrents et même en épiphyte sur des troncs. Par contre, nous ne réussirons pas à retrouver l’autre espèce vue en 2009, dans le même site. Les fleurs sont au rendez-vous. Le limbe est variable, souvent bordé de rouge et parfois avec des poils spiniformes également rouges.

Le pique-nique est le bienvenu après ces quelques heures de recherche sur un relief assez accidenté. Un couple de lémuriens (Eulemur fulvus albifrons) (photo 33) vient nous tenir compagnie ; ils semblent habitués à la présence des visiteurs et se disputent les bananes que nous proposons…

Nous explorons le second circuit et découvrons encore de très belles stations de B. erminea toujours à proximité des torrents et une grenouille superbe (photo 34). Nous quittons à regret ce véritable petit paradis (photo 35).

La péninsule de Masoala : environs de Ambodiforaha

Il a plu toute la nuit et ce matin (mercredi 8 avril), le ciel est très chargé. Nous guettons l’arrivée de la pirogue. Départ depuis le Coco Beach à 7 h 30 sous la pluie…Nos deux piroguiers, très expérimentés, franchissent la passe sans problème. Il pleut mais la mer est calme. Après 3 heures de navigation, nous arrivons à Masoala au village de Ambodiforaha, situé sur la côte Est de la baie d’Antongil. Nous allons loger chez Madame George, dans deux bungalows simples mais confortables. Ni eau ni électricité dans le village…toilettes et « salle d’eau » très sommaires ! C’est la brousse ! Nous nous installons pendant que Denise prépare le repas.

Première exploration dans l’après-midi. Grosse surprise : nous sommes en avril et sensés être en saison sèche ; mais nous avions remarqué que la saison des pluies n’était pas terminée et je me doutais bien que les torrents, que nous remontons quand nous cherchons les bégonias, allaient avoir beaucoup d’eau ! Gagné ! Impossible de progresser dans le lit de la rivière comme nous le faisons habituellement, moitié dans l’eau, moitié sur les rochers ! La rivière Ambodiforaha est un torrent furieux ! Nous apercevons cependant deux espèces intéressantes (photos 36, 37) : la première pourrait être B. nana L’Héritier aux feuilles entières, légèrement succulentes (alors qu’elles étaient lobées dans le Marojejy) et l’autre est une espèce décrite en 2019 du nom de B. ambodiforaha : limbe lancéolé très décoratif, denté et ponctué de taches rouges et de poils spiniformes également rouges. Les deux sont tubéreux, fortement accrochés sur les rochers et ne risquent pas d’être emportés par les crues ! Nous sommes obligés de suivre le torrent de loin et, bien-sûr, loin des bégonias ! Nous suivons la rive gauche en espérant pouvoir approcher du cours d’eau. Impossible ! Pentes verticales et glissantes avec quelques averses de temps en temps ! Nous réussissons à trouver un sentier qui, bien-entendu, mène à une plantation et à une zone où des arbres ont été abattus ! Nous sommes à la limite du parc de Masoala et en bordure, la forêt a encore diminué depuis 2013 ! Nous parvenons à nous rapprocher un peu de la rivière et, miracle, trouvons un pied de Begonia masoalaensis espèce décrite récemment par M. Hugues (photo 38). Cette plante magnifique et de port tout à fait inhabituel pousse à l’ombre, sur les talus terreux, ce qui est étonnant pour un tubéreux. Les feuilles sont en position verticale, aplaties contre le talus. Fleurs mâles et femelles sont présentes mais les fruits semblent immatures ; l’ovaire fusiforme, fait penser aux bégonias africains de la section Tetraphila. Se pourrait-il que cette espèce représente une « transition » entre l’Afrique et Madagascar ? Une visite au Mozambique « tout près », permettrait peut-être de répondre à cette question, comme le pensait le Professeur Aymonin. Un jour, peut-être…

Nouvelle nuit d’averses ! Nous partons aujourd’hui (jeudi 9 avril) vers la rivière Tampolo, un peu plus au sud. Nous traversons une forêt littorale de Pandanus où nous apercevons un oiseau superbe, l’Eurycère de Prévost (Euryceros prevostii) ). Nous buttons sur une zone rocheuse et nous rencontrons  notre premier (et unique) bégonia de la journée : peut-être une autre forme de B. nana (photo 39) au limbe succulent, qui pousse en plein soleil (quand il y en a ! ) mais plus large que celui de la plante rencontrée hier. Nous atteignons une énorme cascade rugissante qu’il est impossible de franchir. Arrêt pique-nique obligé ! Nous explorons les rochers à la jumelle : pas de bégonias, seulement quelques orchidées fleuries du genre Cynorchis. Nous essayons de contourner la cascade ce qui s’avère impossible en raison de la pente et du fouillis végétal très difficile à traverser même aidés d’une machette, mais nous rencontrons une zone déboisée bien que nous soyons en plein dans le Parc de Masoala !

Nuit encore très pluvieuse. Le bruit de l’averse couvre le chant des grenouilles…Nous allons aujourd’hui (vendredi 10 avril) suivre, de loin, la rivière Ambodiforaha mais sur sa rive droite ; le sentier est cette fois, « touristique »  et fait partie du circuit Varygnana.  Nous découvrons à une altitude de 70 m et à environ un kilomètre de la mer, une très belle station de B. masoalaensis : de nombreux pieds de la plante dans sa forme vert pâle. Nous retrouvons également le bégonia lancéolé d’hier sur les rochers d’un petit cours d’eau, paisible, celui-ci !

Environs de Ambanizana

Dans l’après-midi nous quittons Ambodiforaha pour Ambanizana plus au nord. La mer est calme et il fait beau. Il nous faudra environ une heure en pirogue pour arriver à Ambanizana. Nous logeons cette fois chez la fille de Madame Georges. Installation du campement et des moustiquaires.

Départ tôt le lendemain matin (samedi 11 avril) : la pirogue va nous descendre à 4 km au sud où nous allons redécouvrir B. henrilaportei dédié à Henri Laporte qui le découvrit ici en 1998 (photo 40).

Cette plante pousse sur les rochers d’un éboulis humide à proximité de la mer et à une altitude de 25 m. Nous comptons environ une quinzaine de pieds.  Aucune fleur, aucun fruit ! Bégonia très menacé puisque ces rochers se trouvent sur le sentier qui relie Ambanizana à Ambodiforaha.  Il y circule même des zébus ! Nous explorons avec Séraphin les environs en amont du site : rien ! Se peut-il que B. henrilaportei pousse ailleurs qu’ici ? Par contre, 50 m plus haut, nous trouvons une rizière sur brûlis !

Nous commençons le retour vers Ambanizana avec l’intention de visiter quelques unes des (petites) rivières que nous allons croiser. Nous y rencontrons: B. lyallii var. lyallii, et une très belle petite espèce tubéreuse sur des rochers verticaux, humides et très ombragés : (photo 41) un bijou très rare avec quelques fleurs, peut-être B. keraudrenae.

Nous terminons la soirée comme les malgaches du village : par une toilette fort agréable …dans la rivière…

Le lendemain (dimanche 12 avril), nous partons explorer la rivière Androka à partir de Ambazinana. Nous retrouvons une très belle station du petit bégonia d’hier. Nous sommes malheureusement arrêtés plus haut pour deux raisons : il est impossible de remonter la rivière trop grosse et les zones déforestées se succèdent sans que nous puissions atteindre la forêt. En 2013, cette zone était encore recouverte de forêt ! La journée suivante (lundi 13 avril) sera tout aussi décevante et les découvertes, nulles !

Le site d’Ambilosykely

Après une nuit encore pluvieuse, nous partons (mardi 14 avril) pour Ambilosy, un tout petit village à une heure de pirogue plus au nord. Nous avions prévu de rester deux jours dans cet endroit mais le mauvais temps nous dissuade d’installer les hamacs et compte tenu de la réticence du capitaine à redescendre vers Ambanizana (le vent serait paraît-il contraire ! ), nous envisageons de rentrer à Maroantsetra dans la soirée après la visite du site.

Ne retrouvant pas le sentier que nous avions emprunté en 2013 et qui suivait la rivière Ambilosykely, la petite, en opposition à l’autre rivière, Ambilosybe, beaucoup plus importante, nous nous renseignons auprès des gens du village : « tsy misy sentier : Il n’y a pas de sentier »! Bizarre ! Bon ! J’ai le point GPS de ce site où, en 2013, nous avions trouvé 5 espèces ! Direction Est avec machette et GPS ; puis direction plein Sud et nous retrouvons l’endroit. What a pity ! Le gros rocher sur lequel poussaient les bégonias est toujours là, les bégonias aussi (photos 42, 43, 44),

mais à gauche de la rivière un arbre énorme est abattu et débité en planches et madriers (photo 45) tandis qu’à droite est installée une rizière ! De la lumière et moins d’hygrométrie : les bégonias sont condamnés à court terme ! De ces 5 plantes, trois sont inconnues, les deux autres étant B. masoalaensis (dans sa forme verte) et ce qui est sans doute une forme de B. lyallii. Retour au village où Denise nous a préparé une soupe aux nouilles…Nous rentrons à Maroantsetra  un peu dépités !

Une journée de repos nous fera le plus grand bien…

Déjà le retour…

Nous rentrons à Antananarivo le surlendemain (jeudi 16 avril). Il nous reste trois jours avant le retour sur Paris. Nous partons donc pour la réserve de Vohimana (vendredi 17 et samedi 18 avril) située à mi-chemin entre Antananarivo et Tamatave. Déception ! Pas un seul bégonia dans un site pourtant favorable avec rivière, gorges, rochers et ambiance tropicale. Par contre une balade nocturne nous permet de rencontrer de nombreuses grenouilles de toutes les couleurs (photo 46) et aussi bruyantes les unes que les autres…et un splendide papillon, le célèbre Urania Chrysirides madagascariensis ainsi que sa chenille (photo 47).

Entre la pluie, les problèmes avec Air Madagascar et la déforestation galopante, nous nous demandons si une autre expédition à Madagascar est envisageable…

Postivons ! Beaucoup d’ennuis mais nous avons rencontré plus de 20 begonias dont 7 sont sans doute de nouvelles espèces. Un gros travail de description nous attend…